« On ne peut pas être défaillant mentalement si on veut être un joueur pro »
Le préparateur mental a-t-il une place dans un club de football?
Pour le 2ème épisode de ma série sur « Le mental dans le Football », je suis en ligue 2, au Clermont Foot 63 pour interviewer son entraîneur Pascal GASTIEN. Avant notre entretien, il se disait peu ouvert à la préparation mentale. J’ai pourtant découvert au fil de l’entretien un tout autre son de cloche pour cet acharné de travail en toute humilité.
« On ne peut pas être défaillant mentalement si on veut être un joueur pro ». Pourtant, Pascal admet qu’avoir un préparateur mental dans une équipe n’est pas dans la culture française et qu’il existe une certaine défiance envers lui, tout comme c’était le cas il y a quelques années pour le préparateur physique. Pour lui cela est dû à certaines expériences qui se sont mal passées.
Il admet pourtant aisément que ça va venir mais que pour cela il faut une confiance absolue entre le préparateur mental et l’entraineur. Il est totalement partisan pour qu’il voie les joueurs individuellement car il reconnait qu’il n’a pas toujours toutes les clés pour traiter de tous les sujets avec eux. En revanche, il ne connait pas de préparateur mental dans lequel il a suffisamment confiance pour l’intégrer dans son staff aujourd’hui et lui confier son groupe. Il estime aussi que sa méthode est une méthode globale dans laquelle la préparation mentale est incluse. Même si cet homme, toujours en recherche d’amélioration pour son groupe, pense aussi qu’une formation avec un Diplôme Universitaire pourrait lui être d’une grande utilité.
Donc pour Pascal G. et je suis d’accord avec lui, l’entraineur doit avoir une absolue confiance dans le préparateur mental pour pouvoir travailler avec lui en totale collaboration. Je suis persuadé qu’un jour, il en trouvera un 😉
Le style Gastien
Le style Gastien est un style responsabilisant pour les joueurs. Il partage avec eux un projet de jeu et un cadre en début de saison pour qu’ils puissent se l’approprier. Puis ils le font évoluer ensemble au fil des matchs. Il est donc à l’écoute des propositions des joueurs et de leur ressenti. Il aime donner confiance à ses joueurs et essaie toujours d’être positif avec eux. Il se dit plus « félicitateurs » que directif. De plus son bureau est toujours ouvert même s’il fait peu d’entretiens individuels et privilégie les entretiens informels.
« Quand il y une brebis égarée, le groupe la ramène »
Même s’il admet qu’il peut y avoir des problèmes de communication avec la nouvelle génération, ça n’est absolument pas le cas dans son groupe. Son groupe vit bien et ça n’est pas de la com ! Cela est certainement dû à son management responsabilisant et à la confiance qu’ils ont les uns envers les autres. Le groupe englobe tout le monde et « quand il y une brebis égarée, le groupe la ramène ». Pascal nous cite d’ailleurs un exemple où les joueurs ont tout de suite réagi, en faisant une réunion entre eux pour ramener un joueur qui s’était écarté du troupeau… Car les joueurs savent aussi que leur entraineur ne lâchera rien en ce qui concerne le cadre de travail et le respect.
Responsabiliser ses joueurs permet donc d’avoir des joueurs plus autonomes dans leur gestion du groupe. Je pense aussi que c’est comme cela que l’on obtient les meilleurs résultats. Claude Onesta l’avait également bien compris avec ses handballeurs, double champions olympiques, triple champions du monde et autres titres européens, sous ses ordres. Encore faut-il connaitre la maturité de son groupe pour ne pas bruler les étapes.
La méthode GASTIEN
Les débriefs de match se font ensemble et bien entendu les joueurs ont le droit de s’exprimer et de dire tout ce qu’ils veulent à partir du moment où il n’y a pas d’attaque personnelle. Les joueurs parlent et c’est intéressant pour faire avancer le groupe. Pour Pascal, avoir des leaders est une chose importante et il reconnait s’être trompé une fois dans le choix, ce qui a eu des conséquences négatives. Il n’est pas favorable au choix des leaders par les joueurs, même s’il reconnait qu’ils se trompent rarement et que cela lui permettrait de les responsabiliser d’avantage.
Pour que ses joueurs retrouvent la confiance, il leur renvoie des messages positifs et passe aussi par le travail. La discussion et la communication avec les joueurs en manque de confiance peut aussi certainement les aider.
Pour lui, la cohésion du groupe se travaille tous les jours à l’entrainement à travers le projet de jeu. Tout le monde se rassemble autour de ce projet. Pour lui, c’est la façon la plus efficace d’avoir de la cohésion dans le groupe et d’avoir un langage commun. Je suis bien évidemment 100% d’accord avec lui, mais le projet de jeu n’est pas le seul facteur de cohésion. Par exemple, la connaissance de soi et des autres peut être aussi un énorme facteur de cohésion. Lorsque les joueurs arrivent, par des échanges, à faire coïncider leurs propres attentes avec celles des autres, cela peut être aussi très bénéfique. Un coach mental peut les accompagner dans ce sens également.
P. Gastien incite les joueurs à prendre des initiatives dans le discours de tous les jours et d’avant match. Il leur interdit une seule chose c’est de ne pas jouer. Mais bien entendu, il faut être cohérent entre ce qu’on dit et ce qu’on fait : ne pas envoyer de message négatif quand ils tentent et ne réussissent pas. Il veut que ses joueurs fassent preuve d’audace. Il sait aussi qu’aucun joueur ne fait exprès de rater, c’est un message qu’il renvoie aussi aux dirigeants qui ne comprennent parfois pas. Ici, être cohérent entre ce qu’il dit et ce qu’il fait permet à P. Gastien d’être respecté par ses joueurs car il est aligné avec ses convictions et les défend même face aux dirigeants
Les difficultés de l’entraineur
« Parfois je le vis très mal »
Selon Pascal, La principale difficulté pour un entraineur est la gestion du groupe individuellement et notamment celle des remplaçants. Il admet que c’est dans ce domaine qu’il rencontre le plus de problème. Il est très présent pour eux, aux entrainements les lendemains de match (lorsque les titulaires récupèrent) pour qu’ils sentent qu’il compte sur eux. Il ne leur donne pas d’explication systématiquement sur le fait qu’ils soient remplaçants. Un coach mental pourrait peut-être l’aider dans cette communication et dans la fixation individuelle des objectifs des joueurs.
Il sait se remettre en question et essaie toujours de nouvelles choses pour faire avancer l’équipe. Remise en question lorsqu’il y a des défaites mais aussi une analyse lorsqu’il y a des victoires pour pouvoir reproduire ce qui a fonctionné.
Pascal Gastien avoue ne pas très bien gérer la pression et de la vivre parfois très mal. Il ne fait pas grand-chose pour l’évacuer à son grand désespoir, mis à part se remettre au travail. Car il a l’impression qu’il y a énormément de chose à faire pour son équipe, il est donc plongé à 100% dans le football. Il pense que c’est une erreur et qu’il devrait s’aménager du temps pour lui et qu’il en serait plus performant. Peut-être un objectif d’amélioration dans le futur avec un préparateur mental ?
« Ils peuvent la travailler avec un préparateur mental (…) ça m’aurait fait du bien quand j’étais joueur »
Qualité d’un joueur de haut niveau pour P. Gastien :
– Résistance au stress pour être capable de jouer à 100% de son potentiel. Il peut la travailler individuellement avec un préparateur mental et Pascal les a incités à le faire. Il prétend que cela l’aurait intéressé et lui aurait fait du bien quand il était joueur mais aussi certainement maintenant en tant qu’entraineur… Le club n’ayant pas de préparateur mental aujourd’hui, il n’est donc pas sûr qu’ils en aient vu un. Pour lui, cela fait partie intégrante de leur métier et certaines personnes peuvent agir positivement sur ça. Pour moi cela ne fait aucun doute également.
– Etre persévérant et compétiteur, sinon ils ne « font pas long feu » dans le football de haut niveau. Leur donner confiance et l’esprit de compétition à l’entrainement avec un apport mental très significatif que Pascal essaie de leur transmettre même s’il estime ne pas être un spécialiste. Il le fait tout de même avec son expérience.
P. Gastien possède déjà de par son expérience, de nombreuses clés qui lui permettent d’avoir une bonne gestion de son groupe : responsabilisation du groupe, implication des joueurs au projet de jeu, gestion des remplaçants, cohérence dans son discours, remise en question etc… Ce n’est pas pour rien qu’il a été élu l’année dernière, meilleur entraineur de Ligue 2 par le journal France Football.
Son envie d’amélioration constante pourrait peut-être être assouvie avec l’aide d’un coach mental (dans lequel il aurait une confiance absolue) pour travailler plus en profondeur sur : la confiance des joueurs, cohésion de l’équipe même si elle est déjà unie, meilleur gestion des remplaçants avec fixation d’objectifs, travail sur la gestion du stress des joueurs et pour lui-même, esprit de compétiteur des joueurs, etc….
Les rêves de P. Gastien
· Voir ses joueurs venir à l’entrainement tous les jours avec le sourire
· Avoir de bons résultats et un jour atteindre la Ligue 1
C’est tout le bien qu’on lui souhaite !
Merci à Pascal GASTIEN !